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  pellerin de la verticalite


- Plus vite...
Du mur de pierre mâchonnée jaillissaient des fleurs invraisemblablement bleues; le ciel était une chrysalide jaune remplie d’un soleil gazeux. Il régnait un silence de début de monde. Sur un tronc; une suite d’escargots rouges s’arrêta dans son cheminement, comme si une immense pompe avait vidé d’un coup la forêt d’air. L’homme sentait ses poumons comme des pans en tôle. Un oiseau s’envola pesamment et le temps reprit son écoulement.
- Plus vite... On a bâti une métropole du vide autour de moi, un gouffre de silence que j’ai osé quitter pour aller à la dérive. Pour monter encore plus haut, jusqu’à la Porte.
Il était parti depuis longtemps, trop longtemps pour se rappeler quand. Il avait traversé l’Océan qui engloutissait dans ses flots tantôt bouillants, tantôt glacés, des milliers de malheureux. IL avait subi les changements brusques du ciel, l’influence bouleversante des deux lunes, l'égarement dans un temps discontinu. Il avait senti la mort l’approcher sous les rochers du Désert Jalpir, il avait chevauchée endiablé pour échapper aux fanatiques de Nadirdara.
Tout cela pour remonter aux débuts, pour faire l’ascension de la Tour, tour autour de laquelle s’était bâti le monde, qui le transperçait d’un bout à l’autre comme un ver géant et immuable. La Tour avait toujours été là et les hommes étaient nés sous son ombre, avaient grandi du sang de ses plantes et avaient éparpillé leurs cendres sur ses pierres. Personne n’avait réussi à troubler le plus peu que ce soit sa tranquillité ancestrale. La Tour cachait le secret du Savoir absolu.
Maintenant il marchait avec application, regardant fixement le chemin étroit, qui le basculait d’une part ou de l’autre du précipice. Au loin, des ponts en dentelle s’élevaient sinueux vers les hauteurs.
- Il n’y a plus personne qui veuille aller vers l’infini. Ils préférent dessiner des frontières sur le sable. Peut-être vieillit-on...
Des corolles explosaient au-dessus de sa tête, en l’aspergeant de vapeurs lourds, parfumés.
- A force de répéter tout, les choses perdent de leur sens initial, s’apauvrissent, se rétrécissent. Vers l’infini, il n’en reste rien. Rien qu’un nom. Et comment pourrais-je appeler l’absolu seulement d’un mot?
Déjà il ne voyait plus le ciel. Il lui semblait se trouver à l’intérieur d’une feuille, dans sa sève verdâtre et tiède comme du lait. Il escalada une racine gigantesque et regardant vers le bas, i n'apperçut rien que d’autres racines entremêlées et d’autres arbres tordus, contorsionnés.
Il savait que le cimetière de statues n’allait pas tarder à surgir derrière un entassement de troncs. Des blocs massifs de pierre à peine touchés par les tailleurs, des peaux en améthyste si fines qu’on pouvait y distinguer les pores, des chevaux ailés en marbre blanc, des éléphants en granite noir et défenses bleues, des oiseaux aux nervures d’acier. La cité avait débordé d’art vers la jungle. La création de mille années macérait dans les marais de la forêt. Daghreva hissait ses tours blanches et fougères géantes au loin, dans le ciel éclatant. Les rues étaient traversées par des femmes en habits d’ombres et leurs pas résonnaient sourdement sous le poids des bracelets. Les maisons étaient d’une ressemblance trompeuse et seulement les habitants se débrouillaient à reconnaître dans ce dédale les minarets à la coupole basse qui leur servaient de demeures. A des kilomètres devant ne s’étendait que l’élégante symétrie blanche et les bras des fougères embrassant les milliers de jeunes dieux, d’animaux et d’esprits fabuleux endormis dans la pierre. Daghreva attirait magnétique par son isolement et son naturel issu d’une autre époque.
Il s’assit fatigué sur le bord d’une terrasse et finit par s’y endormir, accompagné par les rires chouchoutés de quelques enfants.
Lorsqu’il se réveilla, les jardins regorgeaient d’obscurité et la fraîcheur lui séchait les cheveux en sueur. Il se couvrit de sa chemise et se dirigea lentement vers la sortie de la ville. Là, des escaliers montaient sur les versants de la Tour et un labyrinthe de briques et sables rouges s’engloutissait dans les ténèbres. Il se perdit sous les voûtes écorchés, les yeux empoisonnés par les poussières, suintant du sang, harassé par le soleil fixe, se heurtant contre les murs qui l’entouraient à moitié enfouis dans le sable ou écroulés en amas infranchissables.
Au dessus s’érigeait immobile la Tour, un colosse d’enchevêtrements de couloirs et chemins maladroits, d’échelles étroites tapies dans la pierre. Il commença à gravir leurs marches avec abnégation.
Son chemin se tordait entre les ronces et il avait l'impression d’être guetté, qu’à chaque encognure il allait trébucher et se précipiter en bas, il s’apprêtait à se jeter les poings au devant sur celui qui aurait osé lui couper la route. Les formes des roches engendraient dans ses rêves des scabreux guerriers, qui l’approchaient silencieusement et l’affligeaient de coups tranchants, qui lui mordaient la chair, lui criblaient la peau et il voyait son sang gicler de toutes les côtés, s’égouttant dans les fissures du mur, refluant dans les sous-sols ou dévalant les pentes. Il était meurtri, infecté. Le vent soulevait des lamentations qui s’accrochaient aux pavillons de ses oreilles comme mille châtiments et mille condamnations à mort.
Il avait reçu la grâce. Il avait levé le regard vers la Tour qui l’avait béni et lui avait envoyé une de ses plus douces visions. Scintillante comme un collier de diamants, Sarabhava étranglait de ses lueurs aveuglantes le cylindre noir de la Tour.
La ville l’accueillit avec ses murs translucides, ses ponts jetés en nappes et réseaux d’eau, ses miroirs qui suivaient l’affolante course du soleil, ses passerelles en verre. Des végétaux se contorsionnaient dans les réserves vitreuses. Il sombra dans un alanguissement total dans cette cité qui exauçait tous ses voeux de voyageur exténué et de chercheur fervent de l’absolu. Il connut les femmes de Sarabhava qui dansaient pour lui, les têtes renversées dans l’extase, les cous enflés par les débattements du coeur, les narines ouvertes tendrement, e fouillant des pieds les pétales éparpillées sur le sol. Leurs bras se déployaient comme des écharpes, leurs robes balayaient de couleurs vives l’air et pendant que le soleil s’arrêtait dans leurs cheveux, elles claquaient leurs pieds nus contre le plancher au rythme des cymbales. Au dessus les cliquetis des bijoux et de la musique flottait une odeur de nuit tropicale, de corps surchauffés et d'encens. A la tombée du soir, les enfants s'enfuiaient en chantant sur les rues et jetaient haut dans le ciel des petits globes qui s’allumaient rapidement pour remplir de leur clarté blanche toutes les colonnes de verre, tous les serpentins des miroirs, les plis des voiles transparents. La ville reprenait vie, encore plus enivrante, en écumes de couleurs et reflets de pierres précieuses.
Il ne se rendit pas compte de l’exact moment quand il réussit à y échapper. Sarabhava enfermait derrière ses grillages étincelants une foule d’esclaves, qui respiraient sa brillance, qui s’afaissaient assoiffés auprès de ses sources. La vraie lumière n’était pas dans la lumière, mais dans l’obscurité vers laquelle il poussait ses pas, encore plus haut.
Il ne se fiait plus à ce qu’il voyait. Son regard surprenait des formes glissantes, dont il doutait l’existence réelle, son imagination était peuplée par des silhouettes délabrées, i avait terriblement peur, il s’acharnait à se replier sur lui, à ignorer, à oublier tout, mais l’angoisse le figeait sur place. Le souffle coupé, les yeux exorbités, il s'efforçait à grommeler quelques paroles et aucun son ne retentissait sur ses lèvres; il avait la langue engluée dans la salive visqueuse et amère.
Le soleil le poignardait ironique et il se lassa même de compter les jours qui étaient passés depuis le dut de son voyage. Il n’avait plus aucun désir, il marchait tel un automate, un somnambule aux mouvements mécaniques que ne touchaient plus ni les bords lacérés des pierres, ni les coquilles métalliques qu’il trouvait dans son chemin. Elles servaient de logements millénaires pour les hommes qui avaient essayé de conquérir l’immortalité et qui attendaient toujours leur salut. Etranglés par une multitude de fils, ils gisaient sous un tas de dispositifs inutiles et leurs cris impuissants déchiraient la nuit. il ne savait plus rien et même l’espoir du repos, du clame ne le tentait plus.
Un matin, il se réveilla en sursaut, tous les sens aguichés; une présence indéfinie le troublait, lui envoyait des frissons de plaisir sur le dos. Il ouvrit largement ses yeux: dans un halo de lumière était assise une fille nue, aux cheveux épars sur les épaules blanches, entortillés sur les genoux arrondis. Ses lèvres tremblaient d’un sourire délicieux, qui brûlait ses entraves, qui liquéfiait son cerveau. Il s’abattit à genoux devant elle, comme devant un miracle, et il lui sembla songer lorsqu’elle lui caressa doucement los joues, l’étreignit dans ses bras et, la tête appuyée contre son oreille, soupira:
- Tu es enfin venu... Je t’attendais depuis si longtemps... Ne pars plus, mon amour, ne pars plus...
Il ne se lassait pas de la regarder, de plonger dans ses yeux qui n’avaient pas de couleurs et qui avaient en même temps toutes les couleurs. Elle marchait sans toucher la terre, de mouvements chaleureux, de grande féline. Quand elle s’éloignait, elle l’attirait encore plus, le faisait courir pour la rejoindre et pour se coller à sa peau. Elle était d’un calme étrange, elle le leurrait de signes secrets, l'appelait à ses pieds tantôt comme une déesse immaculée, tantôt comme une maîtresse cruelle, au désir ardent.
- Promets - moi de ne plus partir, mon amour, jamais...
Mais la Tour demeurait accrochée comme un croc noir dans le ciel, menaçante, elle surplombait de son ricanement bête et béant leurs têtes et assombrissait leur regard. Il la rencontrait partout, sur tous les sentiers du plaisir et de la volupté.
Il dût partir. Il l’avait quittée les mains jointes dans une ultime prière, noyée de larmes, sans voix, juchée sur un bout de pierre, pareille à une icône blanche sur un ciel de terreur.
La cime arrondie s'aperçevait déjà, entourée de nuages ternes. Dès qu’il l’approchait, elle semblait s’éloigner encore plus, dans un jeu fatiguant; elle s’agrandissait et avalait tout le ciel dans une bouffée géante. Pendant cette attente douloureuse, i comprenait sa petitesse, son insignifiance auxquelles il ne pouvait échapper que par l’ascension. Son âme cheminait vers le haut en abandonnant enterré sur ses traces, son corps. Il n’avait plus aucune certitude, ses regrets ne battaient plus que d’une aile, un ulcère incohérent lui rongeait les pensées. Son être frôlait la folie.
Il ne parvenait pas à surmonter la paralysie qui l’avait empoigné. Il ne voulait plus se débattre, il ne lui restait rien, absolument rien pour le tenir en vie, mais il continuait à vivre, par l’ironie du sort. Il ne comprenait pas. Il n’était plus nourri par le cordon ombilical de sa mère, du monde, il ne se trouvait plus sous la voûte d’un utérus protecteur. Il était vidé, nu, sur la Tour, comme un prolongement grotesque, un avorton monstrueux.
- Combien doit-on descendre pour vraiment monter?
L'éther lui renvoyait la question amplifiée. Le mirage devenait plus concret, se matérialisait à ses pieds. Les hallucinations disparurent pour laisser place au massif, à une conscience claire, lucide. Il était sursaturé, malade de raison.
Il buta contre un corps grisâtre, blotti comme un foetus dans un creux de rocher. Un sage assis en méditation, formant un triangle avec deux autres, maintenait par la seule force du penser un bloc au dessus la Porte. Il savait que la Porte était là, à quelques pas en haut.
Le rond métallique l’attirait comme un aimant, il empoigna la serrure, qui s’ouvrit sans opposer résistance, sans fracas. Le Savoir était là, dans le gouffre noir qui l’absorba silencieusement. Il était un intermédiaire amphibie entre ce monde et celui d’au-delà. Il tenait entre ses poings erraillés le lien entre l’inconnu et l’absolu.
Il tombait, il descendait à pleine vitesse dans l’intérieur de la Tour et il lui fallut beaucoup de temps à comprendre qu'il y était seul, qu’il était l’unique à transgresser ces niveaux. Autour de lui, l’espace se déployait sans cesse, naturellement, se rangeait en étagères où des embryons se débattaient entre animal et végétal, il rencontrait des minéraux lévitant et il touchait tout, portait à sa bouche tout ce qui flottait autour de lui, pareil à un enfant d’une curiosité avide, qui ouvre pour la première fois les yeux. Il engloutissait le temps, ressentait l’abîme du passé et l’incongruence de l’avenir. Il passait à travers le solide et il respirait de l’eau.
Il descendait toujours, vers le ventre du monde.
- C’est si simple pourtant... Je suis l’Un, je suis le commencement et la fin, la vie et la mort, la douleur et le plaisir, je suis tout... je suis l’absolu.
Il rayonnait de volupté.

- Plus vite...
Du mur de pierre mâchonnée jaillissaient des fleurs invraisemblablement bleues; le ciel était une chrysalide jaune remplie d’un soleil gazeux. Il régnait un silence de début de monde. L’homme sentait ses poumons comme des pans en tôle....

passage vers l'au dela...
  nil novi sub sole



« Quand on s’est eloigné du rang, on peut encore y rentrer. Le rang est une formation ouverte. Mais le cercle se renferme et on le quitte sans retour. Ce n’est pas un hasard si les planètes se mouvent en cercle, et si la pierre qui s’en détache s’en éloigne inexorablement, emportée par la force centrifuge. Pareil à la météorite arrachée à une planète, je suis sorti du cercle et, aujourd’hui encore, je n’en finis pas de tomber. »
Milan Kundera - Le livre du rire et de l’oubli

« ... si nous avons soudain la révélation de notre propre petitesse, ou fuir pour lui échapper ? Seule une fuite vers le haut permet d’échapper à l’humiliation ! »
Milan Kundera - La vie est ailleurs




« Le temps n’appartient à personne...
Tant pis.
Personne c’est moi. »

21 était de nouveau fatigué, extenué, exaspéré par les centaines de minutes gaspillées en conversations correctes, sur les dernières nouvelles d’une guerre crépitant quelque part dans les Balkans, la technique optime de calcul dans l’investion informatique, les effets du désastre tel et de l’accident autre sur les pauvres enfants d’Afrique, et puis encore, comment dirais-je, la saveur inconfondable du café déca-mi-remplaçant-de-sucre-protéine-artificielle-de-lait-juste-un-nuage-senteur-bio-graines-génétiquement-modifiées-collorant-E123-inaltérable-sans-oublier-non-calorique-du-tout-vous-savez-madame...
« On s’embrouille à l’infini pour ne dire qu’une chose : une boîte magique sans entrées, sans sorties, sans retours, et puis des miroirs parallèles, des entrées et des sorties concomittentes, dans soi, de soi, la dissolution du seuil entre Dehors et Dedans, des îles dans les îles, une osmose continuelle, archipel, la Tentation de l’ Absolu. Et ce n’est pas moi qui avait pensé cela. C’est un autre, c’est mon anonyme... La vérité se trouve dans une incessante métamorphose. »
Il s’affaissa pesamment sur le lit, les yeux mi-clos, et marmottant un air enfantin. « Je dois faire la vaisselle ce soir... ce serait le temps... déjà une semaine... Et comme je vous disais, le temps n’appartient à personne... » Le plafond commençait à se désagréger au-dessus de lui, il fluctuait comme une marée rapide, semblait se rapprocher dangereusement de sa tête et puis s’éloignait aussi vite comme il etait venu et rentrait dans les fissures du bois. Il sentait ses mâchoires engluées par un mazout qui menaçait de se répandre dans tous les coins de la chambre s’il osait ouvrir sa bouche. Il s’efforça de dormir.

Ils étaient tous accroupis, blottis les uns dans les autres, immobiles, les regards penchés dans un angle touchant le sol ou s’envolant imperceptiblement vers les murs.
Tout d’un coup, ils se levèrent, tous, du meme mouvement brusque mais souple, et recommencèrent la danse. Ils s’élancerent et prenant grand soin à chaque pas tournaient lentement dans un cercle parfait.
C’etait comme s’ils étaient entrés dans une salle tellement grande, tellement imposante, que le silence heurtait leurs tympans. ILs ne pouvaient pas faire le moindre bruit ; leurs lèvres etaient scellées dans une crispation muette. Meme s’ils avaient crié, rien ne s’aurait entendu.
Pied qui touche la terre, pied gauche fendu, bras levés, de nouveau pas latéral, pointe, rassemblement, on tourne à droite, on revient, de plus en plus vite, sans aucune erreur.
« Stérilisez le silence... »
Un cercle qui grandit, qui se resserre, qui respire, qui se suffit à lui-meme, un fruit qui pousse de soi-meme, une danse inutile, mais néanmoins parfaite.
Et puis, ... faux mouvement. Un membre glissé à la dérive et suit l’expulsion cruelle du cercle. Dehors la protection, au-délà du confort, l’exil.
Puni par le hasard, 5 essaye de forcer sa réabsortion dans le cercle, bien qu’il la sache irréalisable. Il tourne à côté d’eux, retrace leurs mouvements, pied qui touche la terre, pied gauche fendu, bras levés, de nouveau pas latéral, mais tous l’ignorent, leurs pupilles sont vides de son reflet, il n’existe plus. Insoucieux, il répéte inlassablement la géometrie silencieuse, il demande pardon, désemparé, se ravise et garde son immobilité ; l’organe ayant nui à l’organisme avait été extirpé et son écoulement vers l’extinction avait débuté. On ne peut plus réintegrer un cercle ou un corps une fois sorti de son cadre. Denegat seipsum.
Dans ses yeux moussait la désorientation, l’oubli, la hallucination ; 5 était un damné dépaysé dans la solitude. Ou trouver la sûreté d’un autre cercle ? Quel était le centre qu’il devrait atteindre ? Une déviation accidentelle l’avait jetté dans une quête qu’il entamait serein et amnésique.

C’était comme si quelqu’un lui avait trempé la cervelle dans un sirop vert, la lui avait broyée méticuleusement et implacablement, la laissant léver de ses propres débris justement pour la broyer de nouveau. 21 sentait au sommet de sa tête une tension métallique et il n’osait pas bouger de crainte de ne pas détruire l’équilibre précaire qu’il savait maintenu péniblement au-dessus de soi.
Il sentait que sur son visage s’était étendue cette lumière tranquille, étrange, qui lui avait arrondi la figure et muait ses yeux en or, cette lumière qu’il rencontrait lorsqu’il allumait l’ampoule après avoir veillé des heures dans l’obscurité. Cette beauté accomplie qui ne durait qu’un moment, qu’un vertige et une douleur d’insomnie.

5 marchait imperturbable sur la bordure du trottoir. A sa droite, des étendues polaires, aseptisées, qui tremblaient sous le souffle du vent. A sa gauche, le soleil perçait le grillage de sa paupière; il sentit son oeil regorger de larmes.
Il marchait encore plus loin, tout droit, sans pencher d’aucun des côtés, grave, sans se soucier du bruit que les voitures augmentaient en passant. Il lui arrivait de penser que la bordure allait se terminer à un certain moment, mais il lui semblait qu’il pouvait la faire continuer à l’infini s’il le décidait. Parfois, il aurait voulu que cette bordure soit circulaire, comme une chrysalide condescentente, un contact futile avec le passé qui l’envôutait.
L’échine en asphalte le maintenait dans la geôle de l’inconstant.

“ Nous nous promenons sur un échiquier géant et nous n’apercevons pas plus que les carrés qui nous entourent, mais nous avons sans cesse l’impréssion que le mouvement qui suit sera le dernier. La vérité est que nous nous trouvons toujours en marge de l’échiquier et la probabilité de faire un faux pas qui puisse nous projeter dans le vide absolu approche le cent pour cent. La facétie de l’univers nous a transformés dans nos propres esclaves, guettant nos actions limitées avec des regards reprobateurs. L’affliction des clôtures dont nous nous sommes entourés est passée du niveau individuel au général. ”

5 s’était assis à la lisière du parc et il restait à regarder l’herbe amollie par le vent. Il ressemblait à un apprenti penché soigneusement sur le travail précieux de son maître, un alchimiste qui pouvait mélanger les abîmes chaotiques pour en créer le monde vivant. Assouvi par l’errance inutile, il commençait à comprendre la fragilité de tout ce qui l’entourait, de l’herbe qui s’effrontait et soulevait ses pointes brulées par la chaleur, des troncs frêles des bouleaux qui se greffaient sur la terre, des rares silhouettes qui se promenaient sous la lumière lancinante.

« Ma main droite ne veut plus écrire. Je suis passé à l‘ambidextérité, à l’ambiguité, à l’ambivalence. Jusqu’à l’androgynisme il n’y a plus qu’un pas. Et quand mes deux mains refuseront d’écrire, vais-je créer avec mes pieds ? Je vais créer avec mes génoux, le sommet de la tête, la langue et le dos. Et quand mon entière intimité va etre violée par la création extérieure, que me restera-t-il ? J’attends le jour quand j’
écrirai avec l’encre qui gicle des pointes de mes doigts. »

5 se reposait la tête contre la vitre dégoulinante et se balançait doucement à chaque virage que prenait le tramway. Il sentait qu’il accumulait dans sa nuque l’entière énergie qui se torsionnait entre les rails. Il controllait des tréfonds de soi-même l’avance rythmique et lente du wagon dans sa chevauchée à travers la ville silencieuse. Le froid s’insinuait par un pertuis de sa tête, le clouait sur la croix de la vitre, lui donnant la sensation qu’un pieu lui transpercait le crâne, intermédiant l’écoulement de la force vers sa pensée. Les traces fluorescentes des réverbères immitaient le parcours fantastique qui brillait dans les yeux de 5 comme une perpétuité sanguinolente.

Le jeûne prolongé lui provoquait une douleur lucide, jaillissant des profondeurs de l’être, une crucification organique, une fulguration convulsive, minéralisante du déséspoir. 21 était tiraillé entre une existence qui assurait sa survie physique, qui nourrissait ses instincts latents, qui lui offrait un liquide amniotique qui lui permettrait de respirer librement et un existence inconsistente, inconsciente, incongrue, qui donnait un sens sublime, héroïque à la guillotine qui le guettait furtivement. C’était la cristalisation du maudissement. Les os putrides qui engendraient de la moississure à l’intérieur du sang. L’insécurité le terrassait, comprimait son avenir, le claustrait dans un présent indélébile et abrutisant.
Ses poumons se contorsionnaient comme le fer blanchi au feu. Le sommeil le leurrait de promesses indéfinies, de paradis opiacées, d’une submersion dans un utérus tiède et vertical, qui puisse lui permettre une sortie.

5 avançait avec application dans la rue obscure, suivant du regard les traits précis des immeubles. Il aspirait l’air à grandes bouffées, assoiffé, et ses pas resonnaient tels des coups de marteau sur la pierre. Soudain, un coup retentit dans le silence total, et 5 se demanda confusément : « Qu’est-ce qui passe par moi ? Quel est ce bout de métal dans ma tête ? Qu’est-ce qui me passe par la tête ? » Il s’agrippa au mur, et sentit le pavé déferler sous ses pieds, il vit la terre l’ensevelir de son étreinte encaustique. La tête lui glissa de côté et un filet de sang suinta au long de son menton.

21 se réveilla en sursaut. Les mains lui tremblaient febrilement. « Quel rêve, bon Dieu... je deraisonne... »
Il s’habilla rapidement et descendit dans la rue ou rien ne bougeait. Il y avait une odeur de fermentation, et au loin on entendait les vagissements rauques d’un enfant. «Acculés entre conscience et méphistophélique, nous avons des étincellements de raison qui nous poussent à enfanter de nouvelles créations, de nouveaux systèmes d’interprétation, de connaissances, tout cela pour trouver une manière de réçevoir le bâpteme de l’inconnu dans une forme digérable. L’éternel problème du l’inconnu qui attire et rejette en même temps... Mais pourquoi poser une limite si concrète entre une existence présente qui souffre des tares du passé et une existence incertaine dans un halo chloroformé qu’on appelle futur? Nous sommes peu à nous fier à la fin de l’alanguissement et à la conquête du diabolique. Mais c’est improbable que nous ne soyons nous-mêmes sujets de cette hallucination qu’on nomme réalité, cette illusion qui comprend tout et qui nous mène à nous poser plus de questions qu’on ne peut répondre. »
Soudain, un coup retentit dans le silence total, et il se demanda confusément : « Qu’est-ce qui passe par moi ? Quel est ce bout de métal dans ma tête ? » Il s’agrippa au mur, et sentit le pavé déferler sous ses pieds, il vit la terre l’ensevelir de son étreinte encaustique. La tête lui glissa de côté et un filet de sang suinta au long de son menton.
Une horloge sonna trois coups.












cherchez plus loin...
  mai trebuie sa gasesc loc si pentru celelalte...
in curand...

lumiere des ciels liquides....